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Qualité des eaux du bassin de la rivière Etchemin, 1979-1999


Résultats et discussion (suite)

Flux massiques

Les flux massiques représentent les quantités totales d’azote et de phosphore véhiculées par la rivière. On observe un accroissement des flux massiques des différentes formes d’azote et de phosphore, d’amont en aval (figure 4). Sur le bassin de la rivière Etchemin, les charges en azote et en phosphore sont 36 et 111 fois plus élevées, respectivement, à l’embouchure qu’à la station témoin (tableau 7). On observe aussi que, plus on descend vers l’aval de la rivière Etchemin, plus la proportion de phosphore en suspension augmente par rapport à celle du phosphore dissous : elle passe de 52 % à 55 % à 59 % à l’embouchure. Cette situation est vraisemblablement associée à la traversée des basses-terres par le cours d’eau et à l’intensité de l’agriculture dans cette région. Les nitrates eux sont plus variables. Ils sont proportionnellement moins importants à Sainte-Claire (62 %) qu’à la station témoin (75 %) et qu’à l’embouchure (70 %). Dans l’ensemble, ces augmentations d’amont en aval sont directement associées à l’étendue du territoire drainé à chacune des stations d’échantillonnage ainsi qu’à l’intensité et à l’impact cumulatif des activités socio-économiques ayant une influence sur les eaux de surface et les eaux souterraines. Aux apports provenant des sources municipales et industrielles s’ajoutent le ruissellement et le lessivage des quantités excédentaires d’azote et de phosphore provenant des engrais organiques et minéraux utilisés sur le territoire. Les taux d’enrichissement du sol, estimés à partir des statistiques agricoles de 1995 du MAPAQ, indiquent, pour le bassin de la rivière Etchemin, un taux excédentaire moyen de l’ordre de 79 kg P2O5/ha et de 67 kg N/ha (en excluant les engrais minéraux), et de 89 kg P2O5/ha et de 82 kg N/ha (en les incluant) (Michel Patoine, Direction du secteur agricole, Ministère de l’Environnement, communication personnelle).

Figure 4 - Flux massiques des différentes formes d’azote et de phosphore transportées par la rivière Etchemin aux trois stations principales et à la station témoin du bassin

Figure 4 - Flux massiques des différentes formes d’azote et de phosphore transportées par la rivière Etchemin aux trois stations principales et à la station témoin du bassin

Figure 4 - Flux massiques des différentes formes d’azote et de phosphore transportées par la rivière Etchemin aux trois stations principales et à la station témoin du bassin

Les flux massiques annuels par hectare du bassin de la rivière Etchemin sont relativement élevés : 9,1 kg N/ha.an et 1,0 kg P/ha.an. En comparaison avec les flux massiques de deux autres bassins à vocation agricole, ils se situent au-dessus de ceux de la rivière Chaudière (5,9 kg N/ha.an et 0,8 kg P/ha.an, d’après Simoneau, 1998), quoique en dessous de ceux de la rivière Yamaska (14,0 kg N/ha.an et 1,4 kg P/ha.an, d’après Primeau, 1999).

Afin de pouvoir estimer la contribution des sources diffuses de phosphore, nous avons effectué un calcul sommaire. Ainsi, nous avons soustrait des apports totaux de phosphore mesurés à l’embouchure : a) les apports d’origine naturelle calculés sur la base des résultats obtenus aux deux stations en tête de bassin; b) les apports d’origine municipale (Source : rapports du MAM portant sur l’évaluation de la performance des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux du PAEQ, 1990 à 1996); et c) les apports d’origine industrielle avant traitement, lorsque applicable (Source : charges inscrites dans les rapports d’étape III, études de conception des stations d’épuration). Le résultat obtenu, quoique approximatif, indique une contribution moyenne des apports de sources naturelle et ponctuelle de l’ordre de 35 % pour la période de 1989 à 1996, ce qui signifie que les apports de phosphore d’origine diffuse sont responsables d’environ 65 % des apports de phosphore total4. Il est à noter que cette estimation ne tient compte ni des pertes provenant des épisodes de surverse des réseaux d’égouts municipaux, ni de la contribution des résidences isolées (33 % de la population totale), lesquelles ne sont reliées à aucun réseau d’égouts.

Enfin, le calcul des flux massiques aux deux stations en tête de bassin (tableau 9) montre des pertes à l’hectare en azote plus élevées que la plage de 1,0 à 3,0 kg N/ha.an rapportée par Gangbazo et Babin (2000) pour des rivières québécoises coulant dans un milieu à couvert principalement forestier. En 1996, la station 2330008, qui servait alors de station témoin, a été déplacée parce que les rejets de la municipalité de Saint-Luc influençaient la qualité d’eau, particulièrement au niveau des coliformes fécaux et de l’azote. Les données de la nouvelle station d’échantillonnage (2330010) ont effectivement montré une légère baisse des teneurs en coliformes fécaux alors qu’aucun changement n’a été observé pour ce qui est de l’azote (égalité des médianes). Les pertes d’azote total à l’hectare sont de 3,8 kg/ha.an à l’une et l’autre des stations en tête de bassin (tableau 9). Les pertes associées aux nitrates sont même plus élevées à la station située en amont des rejets de Saint-Luc (calculs non rapportés) qu’à la station située en aval. Des résultats semblables ont été obtenus sur la péninsule gaspésienne pour les rivières Cascapédia et Matane (3,6 et 3,8 kg N/ha.an, respectivement). Parmi six rivières gaspésiennes peu ou pas influencées par des rejets d’origine agricole, municipale ou industrielle (Robitaille, 1999), ces deux rivières appartenaient aux bassins hydrographiques sur lesquelles les coupes forestières avaient été les plus importantes au cours de la période à l’étude. En ce qui concerne le bassin de la rivière Etchemin, la consultation de photos aériennes du secteur en amont de la station d’échantillonnage et une visite de terrain ont permis de constater que de grandes parties du territoire forestier en amont de la station d’échantillonnage, notamment les sous-bassins de la rivière Blanche, de la rivière à Bœuf et de la Petite rivière Etchemin, ont été coupées de manière très importante. La récolte de la forêt peut avoir un impact sur les concentrations d’azote dans l’eau. Après une coupe, l’absence de végétation, et par conséquent de racines, favorise le lessivage des nitrates dans le sol. Ce phénomène pourrait expliquer la situation observée dans la partie supérieure du bassin de la rivière Etchemin en amont de Saint-Luc. Ces effets temporaires s’estompent habituellement au fur et à mesure que les végétaux envahissent le territoire déboisé (Roberge, 1996; Plamondon et Ouimet, 1982).

Tableau 9 - Flux massiques de l’azote total et du phosphore total à l’embouchure de la rivière Etchemin et caractéristiques socio-économiques de son bassin hydrographique

Station

Période

Azote
Tonnes/an

Phosphore
Tonnes/an

N/P

Azote
Kg/ha.an

Phosp.
kg/ha.an

% du
bassin cultivé

Cheptel

Population

2330010

1994-1996

37

1,3

28,5

3,8

0,1

< 1

0

< 25

2330008

1989-1994

67

2,9

23,0

3,8

0,2

< 1

78

568

2330006

1989-1994

556

43

12,9

5,5

0,4

12

31 528

14 154

2330001

1989-1996

1343

145

9,2

9,1

1,0

22

76 062

28 096

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Conclusion

De manière générale, la qualité de l’eau de la rivière Etchemin est de bonne qualité ou de qualité satisfaisante dans tout le secteur occupé par le piedmont. Cela s’explique par une hydrographie développée en amont de la municipalité de Sainte-Claire, l’importance de la forêt sur cette portion de territoire et un développement socio-économique restreint. Dans le secteur des basses-terres cependant, les différentes pressions de pollution provenant des milieux urbain, industriel et agricole s’intensifient. Leur impact cumulatif sur la rivière est manifeste. L’eau à l’embouchure de la rivière Etchemin était classée de qualité douteuse (classe C de l’IQBP) à l’été 1997, malgré le fait que la tournée d’échantillonnage ait été effectuée par un temps particulièrement sec, qui minimise les déversements aux ouvrages de surverse municipaux et les apports provenant du milieu agricole.

Sur le plan temporel, les résultats de la qualité de l’eau des deux dernières décennies dans le bassin de la rivière Etchemin reflètent bien l’évolution de la réalité socio-économique du territoire et les projets d’assainissement qui y ont eu lieu. Au cours des dix premières années, de 1979 à 1989, on constate une augmentation de la population, du cheptel et de la production agro-alimentaire. Parallèlement, on observe à l’embouchure de la rivière Etchemin une dégradation de la qualité de l’eau, qui se manifeste par des tendances à la hausse du phosphore dissous, du phosphore en suspension, du phosphore total, de l’azote total et de la conductivité. Par ailleurs, au cours des dix dernières années, de 1989 à 1999, ont eu lieu tous les projets d’assainissement municipaux, industriels et agricoles, à l’exception de trois municipalités du secteur amont, regroupant un peu moins de 20 % de la population, dont les ouvrages ont été mis en service en 1983, 1984 et 1986. Il appert que l’ensemble des projets d’assainissement de la dernière décennie a soit freiné les tendances à la hausse précédemment constatées, ou inversé celles-ci en des tendances à la baisse, améliorant ainsi la qualité de l’eau de la rivière Etchemin. Grâce aux investissements majeurs pour assainir les eaux usées d’origine ponctuelle et diffuse, des améliorations dans la qualité de l’eau ont donc eu lieu, malgré le fait que la population, la densité animale et la production industrielle aient continué d’augmenter sur le territoire.

Quoique beaucoup de travail ait été accompli en termes d’assainissement, de nouveaux défis se présentent pour maintenir ou améliorer la qualité de l’eau du bassin de la rivière Etchemin. Du coté municipal, nous entrons dans une nouvelle ère d’intervention. Le développement urbain, particulièrement dans la partie aval du bassin versant, la croissance, notamment dans le domaine agro-alimentaire, et la diversification accrue des industries demandent une surveillance soutenue, afin de ne pas compromettre la capacité des ouvrages municipaux d’assainissement (OMAE) et des systèmes d’assainissement industriel autonomes à respecter les exigences de rejet. À ces préoccupations s’ajoute le vieillissement des OMAE (certains ont déjà plus de 15 ans), qui exigeront des interventions d’entretien plus importantes et coûteuses, sans oublier l’accumulation des boues dans les étangs aérés, qui nécessiteront des vidanges à court et moyen terme. Du coté agricole, on devra poursuivre les interventions d’assainissement amorcées en complétant la construction et l’amélioration des structures d’entreposage de fumier et en encourageant la mise en place de plans agro-environnementaux de fertilisation, afin que la fertilisation des sols satisfasse adéquatement les besoins des cultures en éléments nutritifs. Enfin, une vigilance est à acquérir concernant les coupes forestières en tête de bassin, coupes qui pourraient éventuellement engendrer des problèmes pour le milieu aquatique, voire une certaine baisse de la qualité de l’eau, mais surtout la dégradation des habitats fauniques, y compris évidemment l’habitat du poisson.

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Bibliographie

GANGBAZO, G. et F. BABIN, 2000. « Pollution de l’eau des rivières dans les bassins versants agricoles », Vecteur Environnement, sous presse.

HÉBERT, S., 1996. Développement d’un indice de la qualité bactériologique et physico-chimique de l’eau pour les rivières du Québec, Ministère de l’Environnement et de la Faune, Direction des écosystèmes aquatiques, Envirodoq no EN970102, rapport no QE-108, 20 p., 4 annexes.

MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA FAUNE, 1998. Critères de qualité de l’eau de surface au Québec, Québec, Ministère de l’Environnement et de la Faune, Direction des écosystèmes aquatiques, 387 p.

NEWMAN, M.C., P.M. DIXON, B.B. LOONEY et J.E. PINDER, 1989. « Estimating mean and variance for environmental samples with below detection limit observations », Water Ressources Bulletin, 25(4) : 905-916.

PHILLIPS, R.D., P.H. OTTO et J.C. LOFTIS, 1989. WQSTAT II: A Water Quality Statistics Program, Colorado State University, Fort Collins, United States, 42 p.

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PRIMEAU, S., N. LA VIOLETTE, J. SAINT-ONGE et D. BERRYMAN, 1999. « Le bassin de la rivière Yamaska : profil géographique, sources de pollution et interventions d’assainissement », section 1, dans Ministère de l’Environnement et de la Faune (éd.), Le bassin de la rivière Yamaska : l’état de l’écosystème aquatique, Québec, Direction des écosystèmes aquatiques, Envirodoq nº EN990224, rapport nº EA-14.

ROBERGE, J., 1996. Impacts de l’exploitation forestière sur le milieu hydrique, Ministère de l’Environnement et de la Faune, Direction des écosystèmes aquatiques, rapport H-1, Envirodoq nº EN960189, 68 p., 1 annexe.

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ROBITAILLE, P., 1995. Qualité des eaux du bassin de la rivière Etchemin, 1979 à 1994, Ministère de l’Environnement et de la Faune, Direction des écosystèmes aquatiques, Envirodoq nº EN950563, rapport nº QE-103, 43 p., 8 annexes.

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4 Le même type de calcul n’a pu être effectué pour l’azote en raison d’un manque de données industrielles.


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