Le coin de Rafale

Sais-tu en quoi consiste le travail d’un ingénieur forestier?


Chêne bicolore
Crédit photo : Olivier Pfister, MDDELCC

La biodiversité, c’est ma passion! Plusieurs spécialistes travaillent dans ce domaine, dont les ingénieurs forestiers. Comme je voulais en savoir plus sur leur travail, oncle Robert m’a parlé de son ami Olivier Pfister, qui pratique justement ce métier. Il travaille au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, à la Direction des aires protégées. Olivier a gentiment accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions.

FytoQuel travail effectue un ingénieur forestier?  

C’est une bonne question, Fyto! Par sa formation, l’ingénieur forestier s’occupe de gérer, d'aménager, de protéger, de conserver et d'utiliser durablement les forêts québécoises et le patrimoine forestier qu'elles abritent. S’il travaille pour le gouvernement du Québec, il s'occupe principalement de la gestion des forêts publiques, c'est-à-dire les forêts qui appartiennent à l'ensemble des Québécois. Certains organismes qui œuvrent dans la lutte contre les incendies forestiers, les insectes ravageurs ou les maladies qui affectent les arbres emploient aussi des ingénieurs forestiers. D'autres travaillent pour des municipalités et voient à la bonne santé des arbres présents le long des rues ou au sein des parcs municipaux.

L'ingénieur forestier peut aussi enseigner la foresterie au cégep ou à l'université ou travailler comme chercheur dans des centres de recherche forestière du gouvernement du Québec et du fédéral.

Plusieurs ingénieurs forestiers travaillent pour des compagnies qui ont obtenu le droit de récolter une certaine quantité d'arbres dans les forêts publiques ou qui possèdent leur propre territoire forestier. Enfin, ils peuvent travailler pour des coopératives forestières ou décider de créer leur propre entreprise et d’agir comme consultants forestiers.

Comme tu le vois, les possibilités d’emploi sont très diversifiées. Il y en a pour tous les goûts!

Pour ma part, je travaille au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques dans le domaine de la conservation. Je m’occupe de la planification et de la gestion des réserves de biodiversité et des réserves aquatiques situées dans le sud du Québec.

FytoQu’aimez-vous particulièrement dans votre travail?

C’est un travail très valorisant, car je participe, avec mes collègues, au développement d’un réseau d’aires protégées sur le territoire du Québec tout entier. L’objectif visé est d’arriver à conserver des échantillons représentatifs de l'ensemble des paysages naturels du territoire. Si on y arrive, nous ferons cadeau d’un magnifique héritage naturel aux générations futures! De plus, c’est un travail dont les résultats sont très concrets. Même si on travaille souvent dans un bureau avec des données traitées par ordinateur, c'est dans le but de protéger des territoires qui existent bel et bien. En outre, certaines données ne peuvent être vérifiées qu'en allant sur le terrain.

Augmentation du pourcentage d’aires protégées
dans les différentes régions du Québec entre 2002 et 2009

2002
2009

Les écosystèmes forestiers sont vivants et abritent toutes sortes d’organismes qui interagissent entre eux, évoluent et se transforment au fil du temps. C'est toute cette complexité fascinante qui s'est bâtie au cours de milliers d'années d'évolution que l'on essaie de préserver.


Grand héron
Crédit photo : Olivier Pfister, MDDELCC


Mousse se développant sur une branche au sein de la réserve de biodiversité projetée Samuel-De Champlain
Crédit photo : Olivier Pfister, MDDELCC
 

J’aime analyser les choses et, pour bâtir un réseau d’aires protégées, il faut analyser une multitude de données pour prendre des décisions éclairées sur le choix des territoires à conserver. Je suis choyé! Ce travail d’analyse me permet parfois de mettre en évidence des caractéristiques particulières des territoires étudiés qui n’étaient pas apparentes au premier coup d’œil. C’est un travail multidisciplinaire qui implique de travailler avec plusieurs spécialistes d’autres domaines, ce qui me permet d’acquérir de nouvelles connaissances utiles dans mon travail.

FytoEn quoi consiste une journée typique à votre travail?

Une partie importante de mon travail consiste à effectuer des analyses de carence, c’est-à-dire à identifier les paysages naturels qui sont peu ou pas représentés dans le réseau des aires protégées. Je dois par la suite recueillir des données ou utiliser des banques de données pour déterminer quels territoires constituent des échantillons représentatifs de ces paysages peu ou pas représentés et sélectionner ceux que je considère comme les meilleurs en vue de leur donner un statut légal de protection.

Mais ce n’est pas tout! Il faut aussi rencontrer les représentants des villes ou des municipalités, ceux de l’industrie forestière, ceux de l’industrie minière et ceux des autres ministères pour s'entendre sur les territoires qui, au final, recevront ce statut légal de protection. Il est important d’agir ainsi, car la majorité des aires protégées, y compris les réserves de biodiversité et les réserves aquatiques, ne permettent pas l'exploitation commerciale des ressources naturelles. Ainsi, la création d'une réserve de biodiversité peut avoir un impact important sur l'industrie forestière ou minière. Puisque la création d'une aire protégée s'inscrit dans une démarche de développement durable et que le concept de développement durable a trois dimensions, environnementale, sociale et économique, il faut en tenir compte en essayant de trouver un équilibre entre ces trois dimensions.

À cela s’ajoutent des demandes ad hoc, c’est-à-dire des demandes qui ne sont pas nécessairement inscrites dans ma description de tâches, mais qui relèvent de mes compétences. Par exemple, il peut s’agir de répondre aux questions d’un citoyen qui souhaite connaître la démarche à suivre pour déposer une proposition de territoire à protéger. On peut aussi me demander d’analyser la valeur écologique de certains territoires. On peut également me solliciter pour collaborer à certaines études qui ont comme objectif d'identifier, sur une portion importante du sud du Québec, d’éventuels noyaux de conservation, c'est-à-dire des sites peu perturbés et qui ont une grande valeur écologique. De plus en plus, ces études cherchent également à identifier des corridors écologiques pour relier entre eux ces noyaux de conservation et faciliter le déplacement de la faune et de la flore. Cet ensemble de noyaux de conservation, de corridors écologiques et de zones tampon forme ce que l'on appelle un « réseau écologique ».

Et bien sûr, je fais également des sorties sur le terrain pour visiter des sites qui sont déjà protégés ou qu'on voudrait protéger dans le futur.


Les différentes formes de terrain et altitudes dans la région des Appalaches

FytoQuelles sont les études nécessaires pour devenir ingénieur forestier?

Il faut suivre une formation universitaire, plus précisément un baccalauréat en génie forestier. Les futurs ingénieurs forestiers étudient la façon dont les écosystèmes forestiers fonctionnent et se modifient à la suite de perturbations naturelles comme les feux de forêt, les épidémies ou encore après la réalisation de travaux forestiers comme les coupes forestières. Ils acquièrent ainsi les connaissances qui les préparent à planifier les divers types de travaux forestiers à effectuer et à déterminer dans quels types de peuplements forestiers et à quel moment on doit les réaliser. Ces travaux sont, entre autres, le reboisement, les éclaircies, la récolte, la construction des chemins, le transport du bois et l'approvisionnement des usines. Ces travaux et ces opérations sont décrits en détail dans les plans d'aménagement forestier durable et dans les plans d'opérations forestières que l’ingénieur forestier conçoit et réalise.

En planifiant ces travaux, on vise à utiliser de manière durable les ressources forestières. Autrement dit, on s’assure que la forêt soit en mesure de produire à perpétuité la même quantité de ressources que celle que l’on récolte, qu’il s’agisse de ressources ligneuses, fauniques, récréatives ou paysagères. La préservation de la capacité de la forêt à remplir certaines fonctions écologiques et la protection d’échantillons représentatifs de paysages forestiers au sein du réseau d’aires protégées du Québec est un autre aspect crucial de l’aménagement forestier durable.

FytoOutre les études, qu’est-ce que ça « prend » pour travailler comme ingénieur forestier?

Évidemment, il faut aimer les sciences de la nature. Il faut également savoir se débrouiller en mathématiques, en statistiques et en chimie organique. Il est nécessaire d’avoir de bonnes connaissances en informatique et tout particulièrement en géomatique. Étant donné que les ingénieurs forestiers supervisent fréquemment des équipes de travail et qu’ils sont chargés de réaliser des projets spécifiques, ils doivent être en mesure de résoudre des problèmes et de prendre des décisions en faisant preuve de leadership et de débrouillardise. Bien évidemment, ils doivent aussi aimer le travail en forêt de même que le travail d'équipe.

Dans mon cas, c’est un intérêt pour la protection et la gestion durable des forêts qui est ma grande source de motivation. En fait, en bâtissant le réseau d’aires protégées du Québec, on travaille à construire quelque chose de plus grand que soi!

FytoSelon vous, à quoi ressemblera le travail d’un ingénieur forestier dans 10 ans? Quels seront vos défis?

Pour les années à venir, on tentera de plus en plus d’aménager les forêts en essayant d’imiter les effets des perturbations naturelles (feux, chablis, infestation d’insectes, etc.). Les plantes et les animaux ont évolué pendant des milliers d’années pour apprendre à vivre avec ces perturbations et ils s’y sont adaptés. En « imitant » ces perturbations naturelles, par la réalisation de coupes forestières, on espère diminuer les différences entre les forêts qui sont exploitées et celles qui ont évolué naturellement, pour donner un coup de pouce aux plantes et aux animaux qui y vivent. On appelle cela l’« aménagement écosystémique des forêts ».

Cette méthode d’aménagement deviendra probablement la méthode la plus utilisée pour favoriser l’aménagement durable des territoires forestiers. On est encore loin de comprendre parfaitement la manière dont fonctionnent les écosystèmes forestiers parce qu’ils sont extrêmement complexes. Il n’est pas toujours facile de gérer des écosystèmes sur lesquels il nous manque certaines connaissances mais, grâce à la recherche, on réussit, tous les jours, à améliorer nos connaissances sur ces milieux. Ces nouvelles connaissances devraient aider les futurs ingénieurs forestiers à mieux gérer la forêt. On devrait notamment être en mesure de prédire de façon plus sûre et plus précise ce que seront, dans 25, 50, 75, voire 100 ans, les résultats des interventions sylvicoles que l’ingénieur forestier réalise aujourd’hui. Autant de beaux défis à relever pour les prochaines générations de jeunes ingénieurs forestiers!

L’ingénieur forestier devra sans cesse poursuivre l’acquisition de nouvelles connaissances et les transposer dans son travail. L’aménagement durable des forêts n’est pas une notion statique; il est en constante évolution, comme la nature!

FytoAvez-vous un message à transmettre aux jeunes qui souhaitent suivre vos traces?

Un professeur d’université m’a dit un jour : quoi que vous fassiez, l’important, à la fin de votre journée, c’est d’être convaincu d’avoir travaillé sur quelque chose que vous jugez important. Alors, si la gestion des ressources forestières, y compris leur conservation et leur protection, vous intéresse, je crois que le génie forestier peut vous offrir de beaux défis. Et n’ayez pas peur de remettre en question les méthodes et les façons usuelles de faire les choses. Vous ferez sans doute des erreurs, mais ceux qui ont fait évoluer les choses et qui se sont démarqués dans leur domaine ont souvent été ceux qui ont décidé de faire les choses différemment.

FytoJ’ai entendu parler de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. De quoi s’agit-il au juste?

Ce n’est pas tout d’avoir un baccalauréat en génie forestier. Pour exercer ce travail au Québec, il faut être membre de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.

Cet ordre professionnel a comme fonction principale d'assurer la protection du public relativement à l'expertise professionnelle dans le secteur forestier québécois. L'ingénieur forestier occupe un champ de pratique exclusif défini dans la Loi sur les ingénieurs forestiers.

L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec s’assure de la qualité des services que ses membres rendent à la population, par un contrôle de l'admission à la pratique du génie forestier, le maintien des compétences et la surveillance de l’exercice de la profession, et ce, par une inspection professionnelle régulière et l'application d'un processus disciplinaire. L'Ordre met également de l'avant des activités de formation continue destinées à permettre à ses membres de faire face aux nouvelles réalités.

Pour en savoir plus :

Consulte la fiche sur le métier d’ingénieur forestier préparée par l’Association forestière des deux rives.
Lis cet article sur l’intérêt des jeunes pour les métiers de la forêt.
Navigue sur le site de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.
Informe-toi sur le programme de baccalauréat coopératif en opérations forestières de l’Université Laval.

Tu peux aussi consulter les aventures et les capsules de Rafale qui portent sur la forêt et son aménagement :

Publication : octobre 2016