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Critères de qualité de l'eau de surface

Règles générales d'utilisation des critères de qualité de l'eau

L'ensemble formé par les critères de qualité chimiques de l'eau est un des outils existants pour évaluer la qualité des effluents et celle du milieu aquatique. D'une part, ils sont utilisés conjointement aux essais de toxicité sur les effluents pour définir des objectifs de rejet pour les sources de contaminants au milieu aquatique. D'autre part, ils servent de base de comparaison pour évaluer la qualité du milieu parallèlement aux études de suivi biologique sur le terrain. Tous ces outils donnent une information complémentaire, et l'utilisation de l'un ne sert jamais à réduire la portée de l'autre. C'est par l'utilisation complémentaire de ces outils et par leur interprétation à l'intérieur de leurs limites respectives qu'il est possible d'assurer une protection adéquate de l'environnement aquatique. Au tableau 1, sont présentées l’utilité et les limites de chacun de ces outils.

En ce qui concerne les critères de qualité chimiques, voici quelques règles à suivre par les utilisateurs pour en tirer le maximum d'information valable.


Signification, portée et limites

  • Les critères de qualité de l'eau ne sont pas des normes. Ces valeurs n'ont pas force de loi en tant que telles; elles s'intègrent dans des procédures globales où elles servent de base à la définition de niveaux d'intervention d'assainissement ou à l'évaluation de la qualité des eaux. Les critères de qualité sont des valeurs associées à un seuil sécuritaire protégeant un usage de tout type d'effets délétères possibles : toxicité, organolepticité ou dégradation esthétique.
  • Les normes réglementaires, quant à elles, tiennent compte de l'état actuel des limites de détection des méthodes analytiques usuelles ainsi que des technologies et des coûts de traitement.
  • Les critères de qualité contenus dans ce document servent à évaluer la qualité de l’eau de surface. Ils ne doivent pas servir à évaluer directement la qualité des eaux potables traitées ni celle des eaux souterraines.
  • Pour les eaux de bonne qualité qui présentent des concentrations en deçà des critères de qualité, ces derniers ne doivent pas être considérés comme étant une approbation implicite à la dégradation du site jusqu'aux concentrations recommandées.
  • Les eaux qui présentent une qualité moindre que celle définie par les critères de qualité ne doivent pas être dégradées davantage et toutes les mesures doivent être prises pour en améliorer la qualité jusqu'aux critères de qualité.


Tableau 1 : Complémentarité des outils d'évaluation de la qualité de l'eau ou des effluents
 


OUTILS
 
UTILITÉS LIMITES
Critères de qualité chimiques propres à chaque substance
  • Protège la vie aquatique, la santé humaine et la faune terrestre
  • Couvre un large éventail d'espèces et d'effets pour un même contaminant
  • Intègre le devenir du contaminant (bioaccumulation, sédimentation)
  • Cerne la source de pollution
  • Oriente les technologies de traitement, puisqu'une substance est identifiée
  • Prévient les effets néfastes
  • Requiert des coûts peu importants si seuls quelques contaminants sont analysés
     
  • Tient compte uniquement des contaminants qui sont connus et qui ont été recherchés
  • Ne tient pas compte de la biodisponibilité des contaminants
  • Ne considère pas les interactions possibles dans le mélange
  • Ne mesure pas directement les effets biologiques; la relation de cause à effet n'est pas certaine
  • Requiert des coûts pouvant être importants si beaucoup de contaminants sont à analyser
Essais de toxicité globale sur l’effluent
  • Intègre les effets toxiques de plusieurs substances à la fois
  • Mesure aussi les effets des contaminants inconnus
  • Prend en compte la biodisponibilité des contaminants
  • Limite la mesure de la toxicité à une seule analyse
  • Mesure la toxicité exacte de l'effluent ou du milieu
  • Prévient les effets néfastes
     
  • Ne protège pas la santé humaine ni la faune terrestre
  • Représente un patron toxicologique incomplet (seules quelques espèces et quelques effets sont testés)
  • Ne considère pas la persistance (bioaccumulation) et la sédimentation
  • Ne représente pas toujours les conditions du milieu récepteur lorsqu'il est employé uniquement sur les effluents
  • Donne une information incomplète sur le contaminant causal
  • N'oriente pas les technologies de traitement puisqu'une substance n'est pas identifiée
     
Évaluation biologique du milieu
  • Mesure les effets présents sur le milieu récepteur
  • Intègre les effets qui ont eu lieu sur une longue période et permet d'établir des tendances dans le temps
  • Intègre les effets de toutes les sources, incluant les sources inconnues
  • Intègre les effets de toutes les autres agressions possibles (dégradation du milieu physique, parasitisme) en plus de ceux liés aux contaminants toxiques 
  • Ne protège pas la santé humaine ni la faune terrestre
  • N'évalue pas les effets en période critique
  • Ne cerne pas une cause unique pour l'effet observé
  • Ne distingue pas entre les sources
  • Mesure les effets une fois qu'ils sont présents (n'est pas préventif)
  • Est coûteux si on veut un bon niveau de discrimination 
  • Le respect des critères de qualité de l'eau est une exigence minimale. Des considérations sur la santé de l'écosystème, sur l'additivité des effets de plusieurs substances, tant pour la vie aquatique que pour la santé, ou la présence d'un usage spécifique, peuvent nécessiter des exigences supplémentaires.

  • Les contraintes ne permettant pas le respect des critères de qualité, telles les concentrations naturelles élevées, les limites analytiques trop élevées ou l'absence de méthode analytique sont considérées dans les procédures de gestion des substances toxiques (ex. : méthode de détermination des objectifs environnementaux de rejet). Ces contraintes ne modifient pas la valeur d'un critère de qualité.

  • Les critères de qualité sont propres à l'usage auquel ils se rapportent. D'une part, pour préserver la ressource ou pour récupérer des usages perdus, certains usages sont considérés comme étant présents ou potentiellement présents dans tous les plans d'eau. D'autre part, certains usages particuliers sont plutôt considérés au site de l'usage. Au tableau 2, sont résumés les lieux d'application des différents types de critères de qualité.

Tableau 2 : Lieu d'application des critères de qualité de l'eau de surface
Type de critère  Lieu d'application
Prévention de la contamination de l'eau et des organismes aquatiques Aux prises d'eau potable
Prévention de la contamination des organismes aquatiques À toutes les eaux douces, saumâtres et salées
Vie aquatique Aux eaux douces de surface (pour les critères de vie aquatique d'eau douce)

Aux eaux saumâtres et salées (pour les critères de vie aquatique d'eau salée)

À toutes les eaux douces, saumâtres et salées (pour les critères organoleptiques pour la chair des organismes)

Faune terrestre piscivore À toutes les eaux douces, saumâtres et salées
Activités récréatives Au lieu spécifique de l'usage en eaux douces, saumâtres et salées
 

Les critères de prévention de la contamination de l’eau et des organismes basés sur les risques pour la santé humaine, qu'ils soient de nature organoleptique ou toxique, ne s'appliquent qu'aux plans d'eau où il y a une prise d'eau de consommation. Quant à la consommation d'organismes aquatiques, elle est considérée comme un usage désigné dans tous les plans d'eau de façon à protéger la ressource pour la consommation actuelle et future. Conséquemment, les critères de prévention de la contamination des organismes comestibles basés sur le risque pour la santé humaine doivent être respectés dans tous les plans d'eau.

Les usages de vie aquatique et de faune terrestre piscivore sont aussi considérés comme des usages désignés de toutes les eaux de surface du Québec.

Finalement, les critères nécessaires à la protection des activités récréatives – à contact direct, contact indirect ou à caractère esthétique – doivent être respectés au lieu spécifique de l'usage lorsqu'il s'agit d'un usage ponctuel.

  • Puisqu'il faut considérer plus d'un usage sur un même plan d'eau, l'utilisation des critères de qualité aux fins de détermination d’objectifs environnementaux de rejet implique le choix du critère de qualité nécessaire pour protéger l'usage le plus vulnérable.
     
  • Les critères de qualité employés au moment de la détermination d’objectifs environnementaux de rejet doivent être respectés à la limite d'une zone de mélange restreinte qui tient compte du mélange de l'effluent dans le milieu. Une zone de mélange est une portion de cours d'eau contiguë à un rejet ponctuel ou à une source diffuse délimitée, à partir de laquelle on définit un volume d'eau qui sera alloué pour la dilution. Les limites physiques qui définissent cette zone sont décrites dans Calcul et interprétation des objectifs environnementaux de rejet pour les contaminants du milieu aquatique, 2e édition.

Toutefois, cette zone de mélange n'est pas allouée aux rejets accidentels ou illégaux. Les critères s'appliquent alors directement dans la zone du rejet pour évaluer l'impact potentiel du déversement.

  • Les critères de qualité ne s'appliquent pas indistinctement aux eaux douces, saumâtres et salées (tableau 2). Les critères basés sur les risques pour la santé considérant la consommation d'eau ne s'appliquent pas aux eaux salées, puisqu'il n'y a pas de prise d'eau potable en milieu marin. Par ailleurs, compte tenu des mécanismes physiologiques différents chez les organismes marins et dulçaquicoles, des critères distincts pour les deux types d'eau ont été définis pour la vie aquatique. Les critères de qualité déterminés pour tous les autres usages, c'est-à-dire ceux basés sur le risque pour la santé (consommation d'organismes aquatiques uniquement) et ceux pour la faune piscivore, ainsi que les critères organoleptiques et esthétiques peuvent s'appliquer aussi bien aux eaux salées (incluant saumâtres) qu'aux eaux douces.

Les eaux douces sont définies par une concentration égale ou inférieure à 1 000 ppm de sels dissous totaux (1 ‰), et les eaux salées incluant les eaux saumâtres sont définies par une concentration supérieure à 5 000 ppm de sels dissous totaux (5 ‰). Lorsque la concentration en sels dissous totaux se situe entre 1 ‰ et 5 ‰, il faudra utiliser le critère de qualité le plus sécuritaire entre celui d'eau douce et celui d'eau salée, à moins de détenir suffisamment d'information sur les espèces aquatiques présentes pour justifier un choix.

  • Les critères de qualité chimiques définis pour chaque contaminant sont généralement comparés un à un à la qualité du milieu, tant pour la vie aquatique que pour la santé humaine ou la faune terrestre. Les effets de synergie, d'additivité ou d'antagonisme provenant du mélange de plusieurs polluants ne sont pas considérés par eux.

Toutefois, la vérification du respect des critères de qualité relatifs à la toxicité globale aiguë et chronique à l'aide d’essais de toxicité sélectionnés nous permet, en partie, de nous assurer de l'effet combiné des polluants sur la vie aquatique (tableau 1).

De plus, il est valable de poser l'hypothèse que les effets aigus des substances toxiques sont principalement additifs, ce qui nous fournit une information appréciable lors de l'évaluation des conséquences potentielles d'une exposition aiguë à plusieurs contaminants (ex. : présence simultanée de plusieurs pesticides en zone agricole). Pour tenir compte de l'additivité des effets aigus de plusieurs substances présentes simultanément dans le milieu aquatique, on utilisera l'équation suivante :


Pour tenir compte de l'additivité des effets aigus de plusieurs substances présentes simultanément dans un effluent, on utilisera l'équation suivante :

Pour ce qui est des effets chroniques des substances toxiques sur l'humain ou la faune terrestre, l'hypothèse de l'additivité des effets ne peut s'appliquer de façon systématique. Les effets pourront être considérés comme additifs seulement si les substances occasionnent le même type de réponse chez les organismes ou l'humain, et ce, à partir du même mode d'action. Idéalement, pour les effets chroniques, on aura plutôt recours à des facteurs d'équivalence pour la toxicité permettant de donner un poids plus ou moins grand aux substances de même mode d'action, mais plus ou moins toxiques.

Mais, comme pour la plupart des substances, de tels facteurs d'équivalence ne sont pas disponibles, l'hypothèse de l'additivité des effets cancérigènes ou de certains effets non cancérigènes peut être un choix de gestion. Pour l'utiliser, il faudra justifier la similarité des réponses et des mécanismes toxiques des substances visées. L'équation suivante pourra alors être utilisée :

  • Pour certaines familles de substances toxiques, un seul critère de qualité a parfois été défini pour l'ensemble de la famille. Cela se produit lorsque l'on sait qu'une famille est composée d'un grand nombre de substances, généralement présentes simultanément et pour lesquelles il n'existe pas de critères spécifiques pour chacune d'elles (ex. : substances phénoliques). Le critère de famille est alors basé sur un effet commun des substances (ex. : effet organoleptique, cancer).

Il peut en plus advenir que, pour une même substance, il existe un critère de qualité pour une famille de substances (ex. : acides résiniques) et un critère de qualité particulier pour l’une des substances de cette famille (ex. : acide déhydroabiétique). L'utilisation du critère de qualité pour la famille implique que la somme des concentrations des substances qui la composent ne dépasse pas ce critère de famille. De plus, la concentration de chacune des substances particulières ne doit pas dépasser le critère de qualité propre à cette substance si celui-ci s'avère inférieur au critère de qualité pour la famille.

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Protection de la vie aquatique

  • Pour éviter des effets de toxicité aiguë, en tout temps et en tout point d'un plan d'eau, une limite sur la toxicité aiguë, exprimée par un maximum de 50% de mortalité à l’effluent est exigée pour tous les rejets au milieu aquatique. Les critères de qualité chimiques pour la vie aquatique (CVAA) ou les valeurs aiguës finales à l’effluent servent d'indicateur d'un problème potentiel de toxicité auquel un rejet d'eau usée risque d'être confronté.
     

  • Les critères de qualité chroniques pour la vie aquatique doivent procurer une marge de sécurité adéquate pour toutes les formes de vie aquatique, durant tout leur cycle de vie. Les critères de qualité chimiques pour la vie aquatique ainsi que le critère chronique relatif à la toxicité globale doivent être respectés partout dans les plans d'eau à l'extérieur de la limite de la zone de mélange allouée à un rejet dans le milieu récepteur.
     

  • Les critères de qualité pour la demande biochimique en oxygène et pour le phosphore total s'appliquent généralement à l'échelle d'un tronçon de rivière, d'un sous-bassin ou d'un bassin versant. À l'intérieur de ces limites, l'ensemble des sources ponctuelles de pollution est considéré.
     

  • Les conditions environnementales influent de différentes façons sur la toxicité des polluants pour les organismes aquatiques et plusieurs recommandations formulées dans le présent document devront considérer les conditions locales du milieu récepteur (dureté, pH, température, autres). Le choix de la valeur du paramètre physico-chimique à utiliser est fonction de l'objectif visé. On pourra tenter de définir la période critique de façon à protéger le milieu, la majorité du temps. Aux fins de suivi de la qualité du milieu, des valeurs représentatives du milieu seront choisies tant pour évaluer le potentiel d'effets aigus que d'effets chroniques. Aux fins de contrôle des effluents, ce sont les caractéristiques de l'effluent qui sont employées pour calculer les valeurs d'effets aigus.
     

  • Bien que le respect des critères de qualité de l'eau pour la protection de la vie aquatique nous assure une bonne qualité d'eau, les écosystèmes peuvent tout de même être perturbés. Même sans la présence de substances toxiques, la perte d'habitat, la sédimentation, les aménagements hydrauliques et l'introduction d'espèces non indigènes entraînent aussi de profondes modifications sur les écosystèmes aquatiques.
     

  • Le critère de vie aquatique chronique (CVAC) représente un bon estimé du seuil sans effets indésirables d'une substance (Stephan et al., 1985). Toute concentration dans le milieu au-dessus de ce critère, lorsqu'elle est maintenue continuellement, est susceptible de causer un effet indésirable. Toutefois, de légers écarts au-dessus du CVAC ne causeront pas nécessairement d'effets sur les organismes aquatiques (1) si la durée et l'intensité de ces dépassements sont limitées et (2) s'il y a des périodes de compensation où la concentration dans le milieu est inférieure à celle du critère. Plus la concentration sera supérieure au CVAC, plus la durée sur laquelle elle peut être tolérée sera courte. Par conséquent, la durée d'application des critères de vie aquatique doit être choisie de manière à limiter la durée de ces écarts ainsi que leur intensité. En théorie, les critères chroniques de vie aquatique doivent être respectés en moyenne sur quatre jours, tandis que les critères aigus de vie aquatique doivent être respectés en moyenne sur une heure (U.S.EPA, 1991c). En pratique, le peu de données de caractérisation généralement disponibles ne nous permet pas de connaître les variations réelles des concentrations du milieu ni de calculer des moyennes sur de si courtes périodes (ex. : échantillonnage mensuel ou hebdomadaire). Pour cette raison, chaque donnée individuelle de qualité du milieu doit être comparée directement à la valeur du critère de qualité.

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Rejets uniques de courte durée

  • Certains rejets n'ont lieu qu'une seule fois et sont de courte durée (moins d'une semaine). Dans ces cas où il n'est pas possible de procéder à des essais de toxicité globale sur l'effluent, une approche alternative a été définie pour éviter que ces rejets soient déversés sans restriction de concentrations, sous prétexte que la durée du rejet est courte. Pour remplacer les essais de toxicité aiguë dont la limite sur la toxicité globale est de moins de 50% de mortalité, la valeur aiguë finale (VAFe), valeur numérique correspondant aussi à une concentration pouvant tuer 50 % des organismes sensibles qui y sont exposés, est alors appliquée à ce type de rejet.

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Application des critères de qualité pour les métaux

  • Lors de la détermination d'objectifs environnementaux de rejet pour les effluents, l'application des critères de qualité pour la vie aquatique se fait en termes de métal extractible total pour les raisons suivantes:
  1. La mesure du métal extractible total inclut la fraction dissoute du métal et une portion de la fraction solide du métal qui peut facilement devenir soluble dans les conditions du milieu ambiant (U.S.EPA, 1993). En effet, les conditions physico-chimiques qui prévalent dans le milieu diffèrent souvent grandement de celles de l'effluent et il n'y a aucune assurance que la fraction particulaire de l'effluent ne se dissolve pas dans les conditions du milieu (U.S.EPA, 1995b).
     
  2. C'est la mesure du métal extractible total qui permet de tenir compte à la fois des concentrations atteignant la colonne d'eau et de celles atteignant les sédiments. En effet, le bilan de masse doit être calculé à partir du métal extractible total car en considérant uniquement la fraction dissoute, de fortes quantités de métal particulaire pourraient être rejetées et l'effet de leur accumulation dans les sédiments ne serait pas comptabilisé (U.S.EPA, 1993).
     
  3. La toxicité de la fraction particulaire d'un métal, bien que plus faible que celle de la fraction dissoute, n'est cependant pas nulle (U.S.EPA, 1992).

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Critères de qualité propres à un site : définition et cadre d’utilisation

Les critères de qualité de l’eau de surface au Québec sont conçus pour être suffisamment protecteurs pour tous les plans d’eau, même pour les plus vulnérables. Néanmoins, il existe des méthodes qui permettent de passer d’un critère de qualité applicable à l’échelle provinciale à un critère propre à un site particulier. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une caractéristique particulière de l’eau n’est pas prise en compte par le critère de qualité mais est connue pour avoir une influence sur la toxicité d’un contaminant ou lorsque les concentrations naturelles sont élevées ou qu’il y a présence d’une espèce vulnérable ou menacée particulièrement sensible.

Ces méthodes sont principalement utilisées pour déterminer des critères particuliers pour les métaux, mais elles peuvent être utilisées pour d’autres contaminants. Elles sont décrites dans U.S. EPA (1994a et 2001) et CCME (2003).

L’établissement de critères de qualité propres à un site pour la protection de la vie aquatique peut être justifié lorsque :

  • des caractéristiques locales particulières de l’eau réceptrice, tels le pH, la dureté, le carbone organique dissous ou les matières en suspension, modifient la toxicité ou la biodisponibilité d’une substance;
  • les teneurs d’un métal sont naturellement élevées à un site particulier;
  • la sensibilité des espèces aquatiques « résidentes » d’un site particulier diffère de celle des espèces testées jusqu’ici et utilisées dans le calcul des critères de qualité.

Les « caractéristiques locales particulières » des eaux réceptrices font référence à des caractéristiques naturelles des plans d’eau. Au Québec, ce sont ces variations naturelles qui sont les plus susceptibles de rendre intéressant un critère propre au site.

Les espèces aquatiques « résidentes » d’un site donné sont les espèces, les genres, les familles, les ordres, les classes et le phylum qui sont habituellement présents à ce site, qui sont saisonniers parce qu’ils y passent durant leur période de migration, qui y apparaissent de façon intermittente parce que leur aire s’étend jusque-là, qui y étaient dans le passé ou qui vivent dans les plans d’eau adjacents. On ne peut établir quels sont les taxons « résidents » simplement en échantillonnant en amont ou en aval d’un site à un temps donné. Au Québec, les différences entre les gammes de sensibilité des espèces d’une région à une autre sont toutefois peu susceptibles de modifier significativement les critères de qualité.

La détermination, puis l’adoption d’un critère de qualité propre à un site est rarement nécessaire. Avant qu’une telle démarche soit entreprise, il faut s’assurer que l’utilisation de l’une de ces méthodes est bien requise, c’est-à-dire d’abord :

  • vérifier si c’est l’utilisation de méthodes usuelles d’échantillonnage et d’analyse, particulièrement pour les métaux, qui conduit au dépassement des critères de qualité dans le milieu;
  • évaluer la possibilité de réduire la concentration à l’effluent;
  • définir les limites du tronçon de cours d’eau jugé particulier;
  • déterminer, à partir de la documentation, si les caractéristiques physiques et chimiques particulières à ce site sont reconnues pour modifier la biodisponibilité ou la toxicité de la substance;
  • vérifier les contraintes liées aux critères de qualité pour les autres usages de l’eau.

Dans plusieurs cas, ces mesures rendent inutiles l’utilisation d’un critère de qualité propre à un site.

L’exploitant qui veut définir des critères propres à un site pour un tronçon de cours d’eau donné devrait préalablement déposer un plan d’étude au Ministère afin de s’entendre avec lui sur les modalités d’exécution.

L’U.S. EPA décrit trois méthodes permettant de modifier un critère de qualité de l’eau pour la vie aquatique lorsque l’on croit que les données à la base des critères de qualité provenant de résultats de laboratoire ne reflètent pas convenablement les conditions du milieu.
 

  1. Le recalcul :
Méthode qui tient compte de la différence de sensibilité entre les espèces représentées dans la banque de données ayant servi au calcul du critère de qualité et les espèces « résidentes » pour un site donné.
  1. Le ratio correcteur pour l'effet de l'eau (REE) :
Méthode qui tient compte de la différence entre la toxicité d’un métal dans l’eau du laboratoire et celle du même métal dans l’eau du milieu naturel du site récepteur.
  1. La méthode des espèces « résidentes » :
Méthode qui doit prendre en considération à la fois les deux types de différences précédentes.

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Description des méthodes

A- Le recalcul

Le recalcul produira un critère de qualité spécifique, différent du critère de qualité générique, s’il est démontré qu’il y a une différence dans la sensibilité des espèces testées au moment de la détermination du critère de qualité et des espèces « résidentes ».

Il y a au moins trois raisons qui peuvent expliquer une telle différence de sensibilité :

  • Les banques de données toxicologiques contiennent des données pour des espèces sensibles à plusieurs polluants, mais de telles espèces ou des espèces comparables peuvent ne pas exister sur le site à protéger.
  • Une espèce d’importance ou une espèce menacée peut être particulièrement sensible à un polluant et nécessiter un critère de qualité plus bas pour sa protection à un site donné.
  • Les espèces « résidentes » peuvent représenter une gamme plus restreinte de sensibilité, en comparaison de la gamme de sensibilité couverte par la banque de données à la base des critères de qualité, du fait de conditions naturelles très spécifiques.

Cette méthode a été développée aux États-Unis, car les différences entre les écosystèmes et les communautés aquatiques présentes d’un site à l’autre sont beaucoup plus grandes qu’au Québec.

La méthode du recalcul permet d’apporter des modifications, c’est-à-dire, des ajouts ou des retraits, à la banque de données toxicologiques existante pour une substance donnée. Elle permet entre autres d’ajouter des données pour certaines nouvelles espèces testées. Tous les ajouts et les corrections requis par la méthode sont obligatoires; par contre, les retraits sont optionnels. De plus, le retrait de données ne peut se faire pour des espèces qui ne sont pas actuellement présentes à un site parce que le milieu est dégradé.

Pour une raison mathématique, cette méthode donne le plus souvent une valeur inférieure au critère de qualité si le nombre de genres représentés dans la banque de données est diminué, alors qu’il en résultera vraisemblablement une valeur plus élevée du critère de qualité si le nombre de genres représentés dans la série de données est augmenté.

B- La méthode axée sur le ratio de l’effet de l’eau (REE)

La méthode axée sur le ratio de l’effet (REE) peut demander des ressources importantes. Le requérant doit, en premier lieu, s’interroger sur des mesures moins coûteuses, telle l’utilisation de techniques propres à l’échantillonnage et à l’analyse, particulièrement aux métaux, et évaluer les coûts de production d’un REE par rapport à celui du traitement de l’effluent ou de l’utilisation de la méthode du recalcul si elle est pertinente. Dans plusieurs cas, ces mesures rendent inutile l’utilisation d’un REE.

Les REE s’utilisent pour corriger les critères de qualité pour la vie aquatique qui ont, à leur base, des données de toxicité de laboratoire. Les REE ne s’appliquent pas aux critères de qualité définis sur la base du potentiel de bioaccumulation d’une substance ni à ceux dérivés de données du milieu, comme dans le cas du sélénium.

Un REE est calculé pour tenir compte de la différence entre la toxicité, généralement d’un métal en solution dans une eau de laboratoire, et la toxicité du même métal en solution dans l’eau du milieu naturel. S’il y a effectivement une différence de toxicité, le REE peut augmenter ou diminuer la valeur du critère de qualité. Le critère de qualité propre à un site (CQS) est calculé comme suit :

CQS = CQx
toxicité avec l'eau du milieu
toxicité avec l'eau du laboratoire

L’approche consiste à mener, un nombre de fois approprié, des essais de toxicité aiguë ou chronique sur quelques espèces sensibles à partir d’échantillons recueillis pendant au moins deux saisons, et plus si de grandes charges de métaux sont impliquées. C’est la moyenne géométrique des REE obtenus qui sert au calcul du nouveau critère de qualité, à moins que la protection d’une espèce particulièrement sensible ou menacée ne nécessite l’utilisation du REE le plus contraignant.

Trois options sont proposées pour déterminer un REE (U.S. EPA, 1994b). La plus simple et la moins coûteuse est celle où il faut déterminer trois REE à partir d’espèces sensibles, pendant n’importe laquelle des saisons, pour autant que le débit aval du cours d’eau se situe entre deux et dix fois le débit d’étiage. Le REE résultant est généralement, mais pas toujours, le plus bas REE expérimental que l’on puisse obtenir. Les deux autres options présentent des versions plus complexes et plus coûteuses, qui sont nécessaires par exemple lorsque les variations saisonnières affectent la qualité du milieu ou que la qualité du rejet n’est pas connue. Elles demandent plusieurs périodes d’échantillonnage et mesures de REE. Elles donnent une valeur souvent plus élevée, mais scientifiquement plus représentative.

Cette méthode permet de répondre à certaines interrogations comme lorsqu’il n’y a pas d’effet dans le milieu naturel malgré le rejet de concentrations dépassant les objectifs environnementaux de rejet d’un effluent ou lorsque la concentration naturelle d’un plan d’eau dépasse déjà le critère de qualité.

La plupart des REE seront égaux ou supérieurs à 1,0, mais certains s’avèreront inférieurs à 1,0. Des REE pour les critères de qualité de toxicité aiguë et pour ceux de toxicité chronique peuvent être nécessaires, car il n’est pas assuré qu’ils seront équivalents. On accepte toutefois que les REE qui correspondent à une toxicité aiguë soient utilisés pour les CQ d’une toxicité chronique.

Des REE peuvent être calculés pour le métal extractible total ou pour le métal dissous. Les REE pour le métal extractible seront plus élevés que les REE pour le métal dissous.

Chaque REE est calculé individuellement pour chaque métal et pour chaque site; les REE ne peuvent être extrapolés d’un métal à l’autre, ni d’un effluent à l’autre, ni d’un site à l’autre.

C- La méthode des espèces « résidentes »

Cette troisième méthode a pour objectif de tenir compte, d’une part, des différences de sensibilité entre les espèces « résidentes » et les espèces de la banque de données toxicologiques à la base d’un critère de qualité et, d’autre part, des différences de toxicité ou de biodisponibilité liées aux caractéristiques physicochimiques de l’eau. Le calcul de critères de qualité propres à un site se fait une fois que le nombre minimal de données de toxicité aiguë requises par la méthode de calcul de critères de qualité de l’eau (MENVIQ 1990b, en révision) est obtenu à partir d’espèces « résidentes » du site. Des essais de toxicité chronique peuvent aussi être nécessaires. Cette méthode tient compte à la fois de la gamme de sensibilité des espèces « résidentes » et des caractéristiques propres au milieu.

Certaines familles d’organismes aquatiques sont spécifiées dans la méthode de calcul de critères de qualité de l’eau (ex. : salmonidés en eau douce). Si l’une de ces exigences ne peut être respectée parce qu’une famille ou un groupe (ex. : insecte ou crustacé benthique) n’est pas représenté dans les espèces « résidentes », il faut sélectionner une famille sensible comprenant une ou plusieurs espèces « résidentes » pouvant remplacer celle manquante, de façon à obtenir toujours le nombre minimum de familles requises. Si toutes les familles présentes à un site ont été testées, mais que le nombre minimum de familles n’est toujours pas atteint, il faut alors utiliser le résultat obtenu avec la famille la plus sensible comme valeur aiguë finale pour le calcul des critères de qualité relatifs à la toxicité aiguë et chronique.

La fréquence de répétition des essais durant une année dépendra de la variabilité du milieu; plus les caractéristiques pouvant modifier la toxicité ou la disponibilité du contaminant sont variables, plus la fréquence de répétition des essais doit être grande.

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Contaminants radiotoxiques

La radioactivité est un phénomène naturel au cours duquel des éléments aux noyaux instables (les radionucléides) se transforment spontanément en dégageant de l’énergie sous forme de rayonnements divers pour atteindre une forme isotopique plus stable. Cette transformation se nomme « désintégration radioactive ». Le résultat de cette désintégration est un nouvel atome de masse inférieure. L’énergie émise se fait sous la forme de radiations ionisantes nommées « alpha » (α), « bêta » (β) et « gamma » (γ). Les radionucléides que l’on retrouve dans la nature proviennent presque tous des désintégrations successives des radionucléides U-235, U-238 et Th-232 jusqu’à l’atteinte de configurations nucléaires stables. Un aperçu plus complet des notions relatives à la radioactivité est fourni dans les documents Radionucléides recommandés pour l’analyse de la radioactivité dans les matrices environnementales (MDDELCC 2017) et Procédure d’évaluation du risque radiotoxique pour l’environnement (CEAEQ 2015).

La radiotoxicité est causée par ces rayonnements ionisants et non par l’élément lui-même, bien que celui-ci puisse lui aussi être toxique. L’énergie émise est mesurée en désintégration/seconde ou becquerels (Bq). Les radiations émises (α, β ou γ ou une combinaison de deux ou trois de ces radiations) n’ont pas toutes la même toxicité pour le vivant. Plusieurs éléments peuvent être radioactifs, et un élément peut émettre plusieurs combinaisons de radiations. C’est pourquoi l’énergie émise par l’ensemble des éléments radioactifs est calculée en dose absorbée par l’organisme vivant. C’est la dose totale reçue par l’organisme vivant qui, si elle est suffisamment élevée, peut être toxique.

Les organismes vivants reçoivent ainsi une dose d’énergie que l’on mesure par unités de masse. La dose absorbée se mesure en joules/kilogramme, c’est-à-dire en grays (Gy), et le débit de dose correspondant au taux d’absorption d’énergie se mesure en grays/seconde (Gy/s). Le micrograys/heure (µGy/h) est généralement utilisé dans un contexte de radioprotection environnementale.

Les radionucléides peuvent pénétrer l’organisme par toutes les voies habituelles (inhalation, ingestion ou absorption cutanée) selon les caractéristiques de l’exposition et de l’élément. En transit dans l’organisme, les radionucléides continueront de se désintégrer et d’émettre des radiations. Les organismes vivants peuvent également être exposés aux émissions qui voyagent sur de plus longues distances, comme les rayons γ. Le débit de dose total reçu par un organisme correspond alors à la somme des débits de dose interne et externe.

Le critère de qualité retenu pour la protection des organismes aquatiques est une augmentation du débit de dose total de 10 µGy/h par rapport à la teneur naturelle.

Pour connaître ce débit de dose total, il faut savoir, pour chaque radionucléide, quelle proportion se retrouvera dans les organismes et combien d’énergie sera absorbée par les tissus lors des désintégrations. Ainsi, le lien entre l’activité dans le milieu et le débit de dose reçu par un organisme est complexe et requiert une modélisation. Pour ce faire, il est nécessaire d’utiliser un logiciel. ERICA1 est l’un des logiciels qui permettent de faire le lien entre ces mesures et la valeur de 10 µGy/h. Il permet une modélisation du débit de dose fondée sur une grande base de données toxicologiques et de données sur les radionucléides, ainsi que sur d’autres facteurs propres aux différents groupes d’organismes. Une caractérisation du milieu permet d’obtenir les teneurs naturelles en radionucléides, et le logiciel ERICA permet de convertir ces teneurs en débit de dose total pour chaque groupe d’organismes.

Dans la pratique, la quantité de radionucléides pouvant être très grande, seuls les descendants d’un radionucléide d’une demi-vie de plus de 10 jours peuvent être pris en compte (CEAEQ 2015).

Références

CEAEQ (2015). Procédure d’évaluation du risque radiotoxique pour l’environnement. Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec. Ministère du Développement Durable de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. 28p.

MDDELCC (2017). Radionucléides recommandés pour l’analyse de la radioactivité dans les matrices environnementales, Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. 31 p.

(1) ERICA Tool. http://www.erica-tool.com/


 Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
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