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L'acidité des eaux au Québec (1999)

Qu'est-ce qu'un lac acide?

L'acidité s'exprime en fonction du pH, dont la valeur peut varier entre 0 à 14 unités. Du point de vue strictement chimique, une eau est neutre lorsque le pH est égal à 7. Elle est acide lorsque le pH est inférieur à 7, tandis qu'elle devient alcaline à des pH supérieurs à cette valeur. L'échelle du pH a la particularité qu'à chaque baisse d'une unité de pH, l'acidité augmente par un facteur 10.

Pour les scientifiques qui travaillent à l'évaluation des effets des précipitations acides sur les eaux de surface, le terme acide prend une signification légèrement différente. Selon la communauté scientifique, un lac ne devient acide que lorsque le pH atteint 5,5, seuil sous lequel les dommages aux organismes aquatiques deviennent très marqués. À ce pH, le lac a presque entièrement épuisé sa capacité de neutraliser les apports acides venant des précipitations ou du bassin versant. Par ailleurs, un lac est considéré en transition lorsque le pH varie entre 5,5 et 6 unités. Un tel lac n'est pas encore acide, mais peut rapidement le devenir avec un léger accroissement des retombées acides. Le pH de ces plans d'eau est généralement très instable et varie beaucoup durant l'année. Pour les scientifiques, un lac n’est pas acide lorsque le pH est supérieur à 6 unités. Les lacs peu exposés aux précipitations acides présentent généralement de tels pH.

Le fait qu'un lac soit acide n'implique pas toujours qu'il ait subi une acidification récente ou que son niveau d'acidité soit uniquement lié aux émissions polluantes générées par les activités humaines. L'acidité d'un lac peut être d'origine naturelle, d'origine humaine ou résulter d’une combinaison des deux. L'acidité naturelle d'un plan d'eau est généralement liée à la présence de matières organiques (lac aux eaux brunes) ou, dans des circonstances plus rares, à des substances acidifiantes d'origine géologique (certains types de roche). De tels lacs étaient fort probablement déjà acides avant l'avènement de l'ère industrielle. Il n'en va pas de même pour les lacs dont l'acidité est d'origine humaine. Dans leur cas, l'acidification est récente et s'est produite en grande partie depuis le début du siècle. Ce type d’acidification est principalement responsable des dommages causés aux organismes aquatiques.

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Un lac peut-il mourir?

Contrairement à la croyance populaire, les lacs morts n'existent pas. Un nombre restreint d'organismes aquatiques peu sensibles peuvent survivre à des pH aussi faibles que 4 unités. Il s'agit généralement d'insectes et de bactéries. Le concept de lac mort est en fait généralement employé pour traduire l'état d'un lac où tous les poissons sont disparus.

Le choc acide printanier

On fait souvent référence au fait qu'un lac est acide ou non. De nombreux lacs sont acides à l'année. Toutefois, pour de nombreux plans d'eau peu acides durant l'été, l'automne ou l'hiver, la période printanière peut s'avérer néfaste pour la vie aquatique. Les substances acides qui se sont accumulées dans le couvert nival durant l'hiver sont libérées en peu de temps au début de la fonte printanière. Elles peuvent alors abaisser considérablement le pH des eaux d'écoulement (jusqu'à 4 unités). Cette acidification passagère peut induire un sérieux stress chez certaines espèces de poissons dont les oeufs viennent à éclosion durant cette période.

Les concepts de dépôt critique et de dépôt cible

Deux concepts reviennent souvent lorsque vient le temps d'évaluer les bénéfices des réductions d'émissions de polluants : les dépôts critiques et les dépôts cibles. Un dépôt critique représente le dépôt maximal d’un polluant (nitrate ou sulfate) que peut supporter un lac ou un écosystème sans qu'il ne subisse de dommages irréversibles à long terme. Le dépôt critique est déterminé scientifiquement selon les caractéristiques du lac et de son bassin versant. À l'opposé, le dépôt cible représente un objectif environnemental fixé par le gouvernement. En 1983, le gouvernement canadien a fixé à 20 kilogrammes de sulfates par hectare par année le dépôt cible nécessaire pour protéger les écosystèmes modérément sensibles à l'acidification. Toutefois, des études scientifiques récentes montrent clairement qu'un tel dépôt cible serait encore trop élevé pour assurer la protection des lacs plus sensibles, qui sont très nombreux au Québec. Selon les études du ministère de l'Environnement du Québec et d'Environnement Canada, les dépôts acides ne devraient pas dépasser 10 à 15 kilogrammes par hectare annuellement afin de maintenir des pH supérieurs à 6 dans les lacs du Bouclier canadien.

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L'acidification est-elle réversible?

Selon les scientifiques, l'acidification des eaux de surface serait un phénomène réversible. Les expériences vécues à Sudbury et à Coniston, en Ontario, montrent que la réduction des émissions polluantes permet une amélioration de la qualité des eaux de surface environnantes. Les expériences de terrain effectuées en Ontario et en Norvège confirment ces résultats. La réversibilité de l'acidification a aussi été observée dans des lacs aux eaux claires de la région de Rouyn-Noranda, où le pH a été haussé en moyenne de 0,5 unité depuis 1991. Cette amélioration concorde avec la diminution des dépôts humides de sulfates (plus de 30 % depuis 1985). Toutefois, le pH des lacs acides aux eaux plus colorées est resté relativement faible, bien que la qualité de l'eau en général montre des indices d'une amélioration. La lenteur de la récupération des lacs acides peut s'expliquer par le fait que les dépôts acides sont encore trop élevés, que le temps de récupération est long et que des substances chimiques comme les acides organiques freinent la hausse de pH. Bien que la réversibilité chimique soit possible, bien que lente, le rétablissement des populations de poissons d'origine ne serait que partiel et se ferait beaucoup plus lentement. Certaines espèces disparaîtront à jamais à cause de la complexité des processus de colonisation des plans d'eau. Ainsi, pour les poissons, la réversibilité biologique devra parfois passer par le réensemencement de populations.

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